dimanche 29 avril 2012

Semana Santa - Mompós



Jour 4 (Mardi) : La ville amphibie

Après une nuit bien fraîche dans le bus, je suis arrivée sans encombres à El Banco vers 5h du matin. Décidément, j'ai du talent pour débarquer de nuit dans des bourgades inconnues ! En sortant du bus, j'ai eu un gros choc thermique et un relatif choc émotionnel quand j'ai vu la foule de gars qui attendaient à la descente du bus en proposant des hôtels ou des trajets vers d'autres villages, ou en regardant simplement les gens passer. Ils dorment pas à cette heure-là ?
Un mec est venu direct vers moi pour me demander "Tu vas à Mompós ?". J'ai acquiescé et demandé le prix qui m'a semblé à peu près correct, de toute façon j'avais la tête bien dans le brouillard et pas disposée à marchander.

Je suis allée posée mes affaires dans la jeep en attendant que d'autres passagers arrivent. Au final, on était 7 (3 à l'avant et 4 derrière). Je n'ai eu qu'une vision assez brève d'El Banco mais j'avoue avoir été bien marquée par l'effervescence qui y règne si tôt le matin !

La jeep dans la nuit.
Mon appareil photo avait visiblement pris l'humidité dans le bus, d'où le flou.

En route pour Mompós, donc ! Petit déjeuner au passage, j'avais prévu le coup la veille en achetant deux brioches à la pâte de fruits de goyave (je le répéterai jamais assez, c'est bon !).

Comme je l'imaginais, la route s'est avérée plutôt défoncée et le conducteur devait zigzaguer habilement pour éviter les gros trous. Le paysage m'a semblé désert au début du trajet, j'avais l'impression bizarre d'être dans la savane en Afrique. Au fur et à mesure que le jour s'est levé, on a commencé à croiser quelques vélomoteurs, vélos, piétons ou promeneurs à dos d'âne et j'ai découvert l'élément le plus important du code de la route dans la brousse colombienne : le klaxon ! On klaxonne quand on double une autre voiture, un vélomoteur ou un piéton. On klaxonne pour effrayer les chiens qui dorment sur la route et les poules qui traversent inconsciemment. On klaxonne pour saluer les gens qu'on connait quand on traverse de petits villages. Bref, on klaxonne, tellement que parfois le klaxon reste bloqué et ça fait un bruit épouvantable pendant deux minutes.

Par moment, la route est nickel.
Et un peu plus tard, on comprend l'intérêt de la jeep.
(Ne vous en faites pas pour le petit chien, un coup de klaxon va le sauver !)

On a laissé des passagers en chemin dans des bleds totalement paumés qu'on se demande qui diable peut passer sa vie dans un tel endroit... J'ai discuté un peu avec une habitante de Mompós qui m'a parlé des processions qui ont lieu pour la semaine sainte et qui attirent énormément de monde. Quand je lui ai dit que je n'avais pas pu réserver d'hôtel (car ils n'acceptent que les réservations pour 3 nuits minimum pendant la semaine sainte), elle a eu l'air de trouver ça préoccupant ! Et moi aussi, du coup, j'ai un peu flippé...

Passage dans un hameau de campagne.
On s'arrête pour laisser une passagère à la maison de sa vieille maman
où elle n'était pas venue depuis 7 ans.
On est vraiment dans le trou du cul du monde... j'adore !
Doublage d'un vélomoteur (klaxon !) sur un petit pont.
Pic de circulation sur la nationale El Banco-Mompos.
On est presque arrivés à destination !

Après environ deux heures de route, nous sommes enfin arrivés à Mompós qui existe donc bien, n'en déplaise à Gabriel Garcia Marquez (cf article précédent) ! La jeep m'a laissée devant un hostel recommandé par le Petit Futé, la Casa Amarilla. J'ai fait la connaissance de Richard, le proprio anglais très sympa qui m'a annoncé que par chance, il lui restait de la place pour cette nuit ! Dès le lendemain par contre, tout était plein jusqu'au weekend, j'avais vraiment bien choisi mon jour !

J'ai roupillé un peu dans la matinée car les nuits en bus ne sont pas très reposantes, et j'étais déjà totalement assomée par la chaleur humide qui règne sur Mompós.


Le fleuve Magdalena est le second
plus long fleuve de Colombie (1500km).
La ville de  Mompós a été fondée en 1537 par les espagnols et porte le nom d'un cacique (chef d'une tribu indigène) dont la tribu a été massacrée par les conquistadors, pour changer. 
Très tôt, la ville a acquis une renommée pour son artisanat de joaillerie, important de l'or depuis les villages voisins. Idéalement située sur la rive du fleuve Magdalena, elle s'est développée au 17e siècle par le commerce d'objets en céramique et faïence jusqu'à devenir un port très important et la troisième plus grande ville de Nouvelle Grenade après Bogota et Cartagena. La prospérité de la ville y a attiré une élite bourgeoise et ecclésiastique.
Elle a été, en 1810, la première ville à déclarer son indépendance de l'Espagne, ce qui lui a valu le surnom de "ciudad valerosa" (ville courageuse).

Au début du 20e siècle, par un étrange coup du sort, l'accumulation de sédiments a provoqué la déviation du  fleuve Magdalena. Le bras du fleuve qui alimentait Mompós a été réduit à de l'eau stagnante et la ville s'est  fatalement retrouvée isolée du reste du pays. Voilà pourquoi certains disent aujourd'hui que Mompós est une cité amphibie, où le temps s'est arrêté...
La ville de Mompós a été classée par l'Unesco sur la liste du patrimoine historique et culturel de l'humanité en 1995 pour son exceptionnelle architecture coloniale.

J'espère que ce petit résumé historique vous aura permis de comprendre ce qui m'a mené jusqu'à cette ville à l'histoire si atypique et passionnante !


Je me suis réveillée en fin de matinée et j'ai direct filé sous la douche pour me rafraîchir un peu ! Comme dans la plupart des zones de "tierra caliente" colombiennes (comprendre : là où il fait chaud !) il n'y a pas d'eau chaude et juste un tuyau qui sort du mur dans la douche, mais il n'y a rien de plus appréciable pour se défaire de la moiteur ambiante !

Richard m'a fourni un plan de la ville avec les endroits à ne pas rater. J'ai également fait la connaissance de Milena, une suisse-allemande qui réalise une étude anthropologique en Colombie. J'ai trouvé ça plutôt marrant de croiser une européenne dans une zone aussi reculée de Colombie !

La Casa Amarilla (maison jaune) porte bien son nom !
La très jolie cuisine de l'hostel avec un hamac qui invite à la farniente !

Comme Milena était elle aussi crevée par son voyage et qu'elle voulait se reposer, je suis partie seule à la découverte de la ville. Par chance, le temps était couvert et je n'ai pas eu besoin de protéger mes petites épaules toujours brûlées. Mais il faisait tout de même très chaud et lourd, je n'ose pas imaginer ce que ça doit être quand le soleil tape !
A peine sortie de l'hôtel, je suis tombée sur une jolie place avec une église toute jaune. Il y a au total sept églises à Mompós qui témoignent bien de la ferveur religieuse qui anime la ville !

Premier aperçu coloré de la ville !
L'église Santa Barbara.

En m'aventurant près du fleuve pour prendre quelques photos, j'ai fait la rencontre de la jeunesse momposienne en plein apéritif ! Très sympas les gars (et contents de rencontrer une fille européenne !), ils tenaient absolument à ce que je prenne une photo pour la mettre sur internet. C'est désormais chose faite !

Je vous présente Leonar, Jorge, Sabas et Jorge bis, à l'heure de l'apéro !
Vision campagnarde !

Je n'ai pas eu besoin de marcher longtemps pour trouver la rue principale de Mompós. Elle est bordée d'imposantes maisons coloniales impeccablement blanches, vraiment superbes !

Ca discute aux fenêtres...
Le vélo et le vélomoteur sont les principaux moyens de locomotion.
La Plaza Bolivar avec une statue du célèbre libérateur.
Je commence à trouver un peu d'animation dans la ville !
En jetant un coup d'oeil à l'intérieur des maisons,
on observe les préparatifs pour la semaine sainte.

Un peu plus loin, j'ai découvert la Plaza de la Libertad où trône une grande statue de Simon Bolivar. Y sont gravées ces célèbres paroles qu'il aurait prononcées en hommage à la ville (relire au besoin l'histoire de la ville) : "Si a Caracas debo la vida, a Mompós debo la gloria" ("Si a Caracas je dois la vie, à Mompós je dois la gloire").


La Plaza de la Libertad.

Mon ventre commençait à gargouiller donc j'ai mis le cap vers les bords du fleuve où Richard m'avait indiqué un restaurant où déguster un bon poisson ! Et au passage, j'ai découvert une nouvelle église, rouge cette fois !

L'église San Francisco.

Les rives du fleuves semblent abandonnées, c'est un peu triste. Mais à vrai dire, la ville toute entière semble plongée dans cette étrange atmosphère figée.

En regardant de plus près on s'aperçoit qu'il y a plein de déchets
et on a tout de suite moins envie de manger du poisson !
C'est calme...
Une supérette locale. 
La rue des restaurants de poisson, avec une terrasse au bord du fleuve à gauche.

J'ai retrouvé Milena au restaurant et le poisson était très bon ! Après manger, on a décidé de partir ensemble à la recherche du cimetière de la ville, une visite incontournable selon Richard !

Comme partout en Colombie, les gens discutent dans la rue !
L'entrée du cimetière se voit de loin.
Il est écrit : "Aqui confina la vida con la eternidad"
("Ici la vie se rapproche de l'éternité")

A l'intérieur du cimetière, toutes les tombes sont blanches, à l'image de la ville. Et le contraste avec les fleurs colorées est splendide ! A t-on jamais vu plus joli cimetière ?


De belles statues veillent sur les tombes d'illustres personnages.



Milena cherche des messages insolites parmi toutes les inscriptions.


Après cette surprenante visite, je suis repartie au centre-ville pour découvrir les ateliers de joaillerie de Mompós, dont les bijoux "en filigrane" sont toujours très connus et réputés en Colombie ! La plupart sont en argent et représentent des animaux, des fleurs ou des symboles religieux. C'est vraiment très fin et joli et évidemment je n'ai pas pu résister à la tentation de faire quelques emplettes !

Voici des exemples de bijoux :












Dans la soirée, on est parties se balader sur les bords du fleuve. Les maisons y sont très belles et semblent témoigner de la splendeur passée de la ville.

Le fleuve endormi qui a tant chamboulé l'histoire de Mompos.
Une longue promenade bordée de belles maisons.

Certains bâtiments semblent à l'abandon.
Dans la soirée, il n'y a pas grand monde sur la place...
Mais où vont ces deux garçons ?
Au stade de foot bien sûr !
(Il faut bien admettre qu'il n'y a pas grand chose d'autre à faire)
Les rues non goudronnées ajoutent au charme de la ville.
Des vaches se baladent tranquillement.
Milena a même aperçu des singes dans un arbre !
Je pense que ces petits bateaux servent pour la pêche.

A la fin de cette journée, j'étais un peu crevée d'avoir beaucoup marché sous la chaleur, mais surtout déçue de ne pas avoir assisté aux célébrations de la semaine sainte qui sont si réputées ! Il faut dire qu'on n'était que mardi et que les festivités n'avaient pas vraiment commencé.
Heureusement, Richard m'a annoncé qu'une petite procession allait avoir lieu à la nuit tombée dans la rue principale. On s'y est donc rendues avec Milena, en avalant au passage quelques bonnes pâtisseries au fromage.

Et bonne nouvelle : il y a bien du monde qui vit à Mompós ! Si la ville semblait plutôt vide pendant la journée, les gens étaient de sortie pour la procession !

Les enfants s'amusent avec les bougies.
Départ de la procession.
On a suivi la procession qui avançait lentement, avec des arrêts fréquents pour réciter des prières ou lire des passages de l'Evangile. Et pour reposer les bras des pauvres porteurs qui semblaient bien en peine !

Avant que la batterie de mon appareil photo ne tombe en rade, j'ai réussi à faire une petite vidéo :


La procession a duré une petite heure puis la foule s'est dispersée. On est parties prendre une bière près du fleuve dans l'unique bar de la ville (et on a galéré pour le trouver !) en se faisant allègrement dévorer par les moustiques, puis on est rentrées à l'hostel se reposer après cette belle journée !