mardi 20 mars 2012

Le parc naturel Chicaque

Je n’y croyais plus, mais pourtant ça y est : je suis allée au parc Chicaque ! Ca faisait plus d’un mois que je me disais tous les samedis “demain j’y vais, c’est sur” et que j’annulais le dimanche matin pour cause de grosse fatigue, mauvais temps ou trop de travail à faire, voire les trois à la fois.

Ce weekend, j’ai eu une nouvelle chance : période de boulot intense terminée et lundi férié, je n’avais aucune excuse pour ne pas aller prendre l’air. Ah si, le mauvais temps qui dure depuis deux semaines, mais tant pis, j'ai pris mon k-way et mon parapluie et compté sur mon immunité bretonne pour me protéger.

Pour ceux qui se demandent pourquoi lundi c'était férié, j’ai posé la question à mon coloc et obtenu l'explication suivante : « c’est une des nombreuses fêtes d’origine religieuse dans le calendrier, qui ont perdu toute valeur religieuse mais qui permettent aux colombiens de partir joyeusement en weekend prolongé ». Parce qu’en Colombie, la plupart des jours fériés sont déplacés au lundi pour pouvoir faire le « puente » (pont) et rendre visite à la famille. Et par ailleurs, la Colombie serait le pays au monde comptant le plus de jours fériés, au nombre de 20, soit deux fois plus qu’en France ! Voilà qui reflète bien le côté travailleur des colombiens ! 
Mais d’un autre côté, ils n’ont que 15 jours de congés payés par an, donc je les comprends ;)



Destination Chicaque !


Pour se rendre au parc Chicaque, le site internet indique qu’il faut prendre un bus à 10h au « portal sur » (porte sud) de Bogotá. Pour se rendre au portal sur, il faut prendre trois transmilenios différents, jour férié oblige. 

Un peu stressée à l’idée de rater le bus, j’ai débarqué au portal sur à 9h40. C’était la première fois que j’allais dans cette partie de la ville et c’est un quartier assez pauvre et pas très joli, avec de vieilles maisons en brique sales et dégradées. Bon, c’est pas la zone non plus, la preuve : Carrefour Chévere est là pour m’accueillir ! 
Je demande à un agent de la sécurité où je dois attendre le bus puis je m’assois tranquillement sur un banc en regardant les voitures passer. 9h50… 10h00… 
10h05…. 10h10… 
y’a vraiment des bus les jours fériés ?...  
10h15… 10h20…

Totalement blasée, j'opte pour un repli stratégique à Carrefour. C’est un peu con, mais ça me fait toujours plaisir de voir des bocaux de confit de canard Reflets de France et des gâteaux marque Casino. J’ai déniché une bonne baguette, des pâtes marque Carrefour, des petits pois en boite à prix imbattables et une boite de Kinder Chocolat pour me remonter le moral. Direction le transmilenio pour le trajet retour vers mon appart, il commence à pleuvoir d’ailleurs, je me dis que j’ai pas raté grand-chose. Et que je vais profiter de l’occasion pour prendre quelques photos de la ville et écrire un article sur les passerelles de Bogotá, curiosité architecturale urbaine.

Et donc, à ce moment là, j’entends l’agent de sécurité qui gueule « le bus est là mademoiselle, courez, vite, vite !! ». Euh, attendez… il est 10h55 là non ? Je viens de claquer la moitié de mon argent et j’ai le sac à dos rempli de petits pois… Bon, je vais voir quand même. 
Je demande les tarifs au conducteur du bus et je compte l’argent qui me reste. Verdict : il me manque 2,000 pesos (0,80€), je suis totalement dégoutée. « Vous en faites pas, vous payerez à l’arrivée et ils vous feront une réduction ! » « Vraiment ? » « Ouais ouais, venez ! ». Et donc, finalement, je vais au parc Chicaque.

Comme j’étais toute seule dans le bus, j’ai tapé la discute avec Edilberto, le conducteur. Sa stratégie pour ma réduction : dire que je suis montée dans le bus à Soacha, un petit bled près du parc, depuis lequel le transport coute moins cher. Et comme il est super sympa (quoique un peu inconscient), il me propose même de conduire le bus sur une grande route, heureusement plutôt déserte. C’était assez galère parce qu’il fallait éviter tous les trous dans la route et c’est pas dans mes habitudes de bonne conductrice française de zigzaguer au-dessus des lignes continues ! Mais c’était marrant.




Arrivée au parc

Le trajet jusqu’au parc a duré une trentaine de minutes et en arrivant, on m’a fait un petit speech :
Le parc s’étend sur 250 hectares recouverts à 80% de forêt, d’une altitude de 2100 à 2700m (Bogotá est à 2600m). C’est une réserve naturelle écologique appartenant au gouvernement colombien et qui abrite 300 espèces d’oiseaux, 20 de mammifères et 630 de plantes en tout genre. A savoir que les réserves écologiques nationales représentent 10% du territoire colombien.

Voici un plan du parc et de ses sentiers :

Pour l'échelle : 3kms sur la largeur du plan.
L'entrée du parc est située tout en haut, à 2630m d'altitude (A). Un des principaux points d'intérêts du parc est une grande cascade (J) et j'ai décidé que ce serait mon objectif de la journée.


A l’entrée du parc, j’ai découvert que le prix de l’entrée était plus cher que celui indiqué par le conducteur du bus. Et que par conséquent, à moins de pouvoir payer en Kinder Chocolat, il me manquait encore de l’argent. J’ai fait un speech désespéré au monsieur du guichet et une nouvelle fois, l’incroyable sens de la flexibilité colombienne a fait des miracles : pas de ticket d’entrée, mais je peux entrer discrètement comme si de rien n’était. Au final, être fauché est peut-être la meilleure façon de voyager pas cher en Colombie…

Après quelques pas à l’intérieur du parc, j’ai découvert pourquoi le site internet le décrit poétiquement comme un « bosque de niebla » (forêt de brume). On n’y voit rien à 10 mètres. Depuis le point d’observation à 2600m, on n’observe qu’une immense mer de nuages. 


Sous les nuages, il y a le parc naturel Chicaque ;)
"El pico de las nieves", version Colombie.
(Comprenne qui pourra...)
Un petit aperçu de la jungle, un peu plus bas.
Ok, j'exagère un peu quand je dis qu'on voit pas à 10 mètres.

En commençant à descendre, on entre directement dans la forêt. La brume crée une ambiance mystérieuse, avec l’impression que le chemin se dessine à mesure qu’on avance. Il y a plein d’oiseaux qui chantent, des chants que je n'avais jamais entendus jusqu’ici, mais impossible de les apercevoir.

Heureusement, le chemin est bien indiqué.
Pas grand monde sur le chemin,
j'apprécie d'autant plus les bruits de la nature...
Mais qu'est ce qui se cache au bout du chemin ?
Passage à découvert.

La descente était assez raide par endroits et au bout d’une petite heure, j’ai atteint le refuge situé 500 mètres plus bas. C’est une zone découverte où on trouve un hôtel écologique, un restaurant et un terrain de camping en contrebas. Des balades à cheval sont organisées depuis le refuge et les chevaux s’y promènent en liberté. Le brouillard était bien dense donc je ne voyais pas grand-chose, mais au bruit des voix j’ai l’impression qu’il y avait pas mal de monde.

Arrivée à la clairière du refuge : on aperçoit le barnum du restaurant.
Ces chevaux là n'ont pas le droit de se balader comme ils veulent.
Le seul endroit en Colombie où vous trouverez des poubelles de tri !!

L'hôtel du refuge est très joli, tout en bois.
Sur le terrain de camping,
un cheval broute tranquillement.
Un couple de lamas a planté sa tente.

J’ai fait une pause pour manger un peu de baguette puis je suis repartie en direction de la cascade. Sur le chemin, j’ai fait la connaissance d’Andrés, un gars sympa mais avec des sujets de conversation un peu bizarres (les mathématiques, l’auto-destruction de l’humanité, les attaques cérébrales, les marchés financiers…). Comme il cherchait la cascade aussi, on a fait le chemin ensemble. Il faut environ une heure de marche pour y accéder et le sentier est assez escarpé, ça m’a rappelé mon trek à ciudad perdida !

Un joli petit jardin.
Une jolie petite allée.
Et il faut bien avouer que la brume donne un certain charme au lieu !
Encore un chemin qui disparait...
Retour dans la forêt. On est sur la bonne voie !
Un petit ruisseau.
Certains arbres sont très très hauts.


La vue à l’arrivée en vaut la chandelle : une chute d’eau magistrale de 72 mètres de hauteur, qui semble tomber tout droit du ciel car les hauteurs se perdent dans la brume. Impressionnant et magnifique.
Arrivée à la cascade.
L'eau semble venir du ciel, une superbe vision !

Sur le retour, il a commencé à pleuvoir donc j'ai pris beaucoup moins de photos. La montée a été assez rude, comme vous pouvez l’imaginer !


La pente est raide !
Je suis pas la seule qui galère pour remonter.
Retour sur les hauteurs, la brume s'est un peu dissipée.
Je découvre cet étrange arbre-toiles d'araignée.

Comme j’avais encore peur de rater le bus, j’ai pas mal forcé la marche. Et évidemment le bus avait 1/2h de retard. La Colombie, le pays qui révèle mon sens de la ponctualité.




Retour en ville

A cause du retour de weekend prolongé, les grandes artères de la ville étaient bondées. C’était un pur bazar, tous ces petits bus plein de lumières multicolores (une forme de tuning local !), ces gros 4x4 américains, ces vélomoteurs et ces voitures pleines de bagages sur le toit qui slaloment d’une voie à l’autre pour éviter les trous et s’arrêtent sans prévenir en plein milieu de la route pour prendre ou déposer des passagers, ces piétons et ces chiens errants qui traversent la route en courant entre deux voitures... Et sans jamais se percuter, ça me semble à la fois miraculeux et fascinant ! Absence de signalisation oblige, il y avait des policiers partout pour faire la circulation avec leurs sifflets. Et j’ai vu pour la première fois un rond-point à Bogotá, une petite touche européenne dans cette grande ville où l’aménagement urbain est très américanisé (graaaaandes avenues).

Je suis revenue à Carrefour, j’ai repris le transmilenio dans l’autre sens et je suis arrivée chez moi vers 19h30, fatiguée et affamée. J’ai attendu une heure que mes graines de soja daignent cuire, puis j’ai renoncé et je me suis rabattue sur les pâtes Carrefour, une valeur définitivement sûre.


Bref, je suis allée au parc Chicaque. C’était totalement dépaysant et difficile de croire que le parc se trouve si près de Bogotá, tant le contraste ville/nature est surprenant ! J’avais vraiment besoin de m’aérer la tête et de respirer de l’air frais après ces quelques semaines passées dans la grisaille et la pollution de Bogotá. Mission amplement accomplie, d’ailleurs j’ai rêvé de forêt toute la nuit !




Et la suite ?

Retour des aventures à la mi-avril avec du voyage, du vrai de vrai ! Je profite de la semaine sainte pour m’échapper vers le nord, la chaleur, la mer et les lézards multicolores, et plein d’autres surprises vu le programme délirant que j’ai concocté ! D’ici là, si j’ai le temps, je vous parlerai quand même des passerelles, ça vaut le coup d’œil ;)